Indigo, la couleur voyageuse
March 13, 2018
La trace la plus ancienne de la présence de ce bleu profond a été retrouvée au Pérou, elle daterait de plus de 6000 ans. En Europe c’est durant la période antique que l’indigo fait sa première apparition, importé depuis l’inde c’est déjà l’intensité de sa teinte qui séduisait. Au Vietnam, ce sont les ethnies du Nord qui développèrent son utilisation et qui continuent à le travailler. C’est toute une partie de la culture vietnamienne que traduit la puissance de cette couleur, elle est le reflet de l’âme des peuples qui aiment à se parer d’une couleur sombre, saturée aux limites du noir. Elle exprime force et responsabilité, une quête de perfection et d’idéal du beau.
Les nuances sont pourtant multiples, tant le nombre de variétés de plantes indigofères est considérable. L’indigotier reste la plus connue de ces plantes car c’est elle qui donne le bleu le plus extrême dû à sa très forte concentration en indigotine, la molécule magique des plantes à bleu. En Europe, avant le développement en masse des plantations d’indigotier dans les colonies c’est le pastel qui dominait. L’essor des voies commerciales avec l’extrême orient aura eu raison de cette plante qui a, au moyen-âge et à la renaissance, fait la richesse du sud-ouest de la France et notamment de Toulouse.
En Asie, l’intensité des bleus dépendra de l’altitude et de la chaleur qu’auront connues les plantes. Pour apprécier le Vietnam autrement, surprendre une femme des ethnies minoritaires du nord travailler ses teintes vous plongera dans les délices d’un voyage intemporel. Les pratiques textiles de l’utilisation de la teinte indigo différent selon les pays et les continents en revanche sa création est un savoir universel qui suit pratiquement le même processus. Tout commence par la culture et la cueillette de la plante. Au Vietnam, dans les montagnes du nord, c’est au bout de trois mois de croissance que l’on utilise la plante. Pour extraire le pigment, les feuilles de l’indigotier sont plongées dans un mélange d’eau et de poudre de chaux. Dans la culture vietnamienne, pour extraire un bleu très dense on ajoute, de l’alcool de riz, du gingembre, de la citronnelle et même du piment. Cette solution une fois prête, les fils ou le tissu à teindre peuvent y être tremper. L’immersion des textiles dure généralement de 3 à 4 jours. Tout dépendra de la puissance de la teinture et de la couleur recherchée. Au Vietnam autrement qu’ailleurs, dû à sa situation géographie et son climat tropical, les températures extérieures ainsi que l’hygrométrie peuvent influencer le résultat. Avant de faire sécher les étoffes, il faut en fixer la teinte dans un bain d’eau salée et citronnée auquel on peut ajouter quelques feuilles de la plante.
L’évolution de la culture vietnamienne voit ces pratiques s’évanouir, petit à petit, au profit d’une mode plus occidentale. Cependant les ethnies minoritaires des montagnes telles que les Dao, Hmong, Tay et autres Thai entretiennent avec fierté les séculaires traditions de tissage. Sous l’impulsion de sociétés locales et d’ONG, elles perpétuent le travail artisanal. Tout d’abord destinés aux touristes de passage, les tenues traditionnelles prennent maintenant la direction des grandes villes vietnamiennes et occidentales. Les tissus produits servent à la confection de vêtements plus contemporains, ils sont maintenant utilisés par de grands stylistes et créateurs. C’est là toute l’intelligence de ces populations qui ont toujours su s’adapter, évoluer et qui savent voir et regarder le Vietnam autrement.
Si vous n’avez pas le loisir d’aller à la rencontre des populations montagnardes, quelques magasins proposent à Ha Noi de merveilleuses réalisations en provenance de leurs villages. L’indigo store de la rue Van Mieu situé à quelques encablures du temple de la littérature et aussi dans le quartier de Tây Hô dans le ruelle 35 de la rue Dang Tai Mai se trouve une autre échoppe spécialisée.