Pleiku, Vietnam
June 13, 2017
A plus de 740m d’altitude, Pleiku est la première étape des Hauts Plateaux du Centre, au cœur d’une région sauvage et encore peu visités. Située dans les paysages montagneux autour de la ville, cette région offre des rencontres insolites et authentiques avec les minorités ethniques Jaraï, Hmong, Ede, Bahnar et Sedang, dans ce vaste plateau fertile au sol rouge (le basalte), d’origine volcanique. On emprunte la Piste Ho Chi Minh dans ce relief qui s’étend le long de la cordillère Annamitique, à la frontière avec le Laos pour arriver à la prochaine étape du circuit au Vietnam, la capitale de la province de Gia Lai: Pleiku.
Le long du chemin est parsemé de grandes plantations d’hévéas tandis que dans de nombreux jardins sont plantés des poivriers. Le poivrier n’est pas un arbre mais une liane que l’on plante au pied d’un poteau de bois que le poivrier finit par recouvrir. Selon le traitement et le stade de la récolte, les grains pourront donner du poivre noir (baies entières séchées récoltées à maturité), du poivre blanc (baies séchées débarrassées de leurs enveloppes) ou du poivre vert (baies fraîches conservées humides). On fait alors un arrêt dans une plantation d’hévéas. L’hévéa est l’arbre qui produit le latex pour fabriquer le caoutchouc. Des saignées sont pratiquées tout autour de l’arbre, permettant au latex de s’écouler dans une coupelle en terre cuite pour y être récupéré.
C’est en arrivant à Pleiku que l’on se rend compte que c’est une ville de marché, en ce doux jour du mois de janvier (la meilleure période pour visiter les plateaux de Pleiku allant de novembre à mai).
La première personne que l’on croise est entièrement couverte et porte un masque qui lui couvre la majeure partie du visage. La raison la plus communément évoquée est que c’est pour se protéger du soleil. D’autres raisons sont aussi avancées, plus ou moins fantaisistes: les citadines cultivent la blancheur de leur peau; le bronzage n’est pas un signe de bonne mine; les Vietnamiennes disent envier les cheveux blonds, les yeux bleus et la peau blanche; féliciter une Vietnamienne pour son bronzage n’est pas un compliment mais plutôt une insulte…
Comme dans tous les marchés, on y trouve de tout: on peut y acheter toutes sortes d’animaux vivants serrés comme des sardines dans leurs cages. Poissons ou crustacés, vivants ou séchés ? Viande de porc, de bœuf ou de buffle ? C’est au choix ! Les allées sont bordées de superbes étalages débordant de fleurs, de fruits et de légumes colorés. Partout, on y mange. Il suffit de s’asseoir sur l’un des petits tabourets en plastique disposés devant les étals de nourriture et l’on vous sert ce que vous voulez: crêpes salées, friture, boissons, etc.. Le vendeur enlève le chapeau de la noix de coco, plante une paille dedans et on peut siroter le jus tout en parcourant les allées. En regardant les marchands, on se rend compte qu’il n’y a pas d’âge pour prendre sa retraite au Vietnam.
Le lendemain, on se promène dans les rues vides du dimanche, jour de repos pour les habitants de Pleiku. C’est dans un restaurant familial où l’on prend le premier repas de la journée: un succulent poulet rôti croustillant servi avec du riz mélangé à de la tomate et du gingembre, accompagné d’une salade. Et le tout pour 5 euros, boissons comprises ! A la fin du repas, on remarque un vétéran américain, casquette US et avant-bras tatoués. Il est rare de voir un occidental dans la région, donc les liens communs “de la même tribu” occidentale poussent naturellement à prendre connaissance de ce westerner. Cet Américain venu de la Caroline du Nord dit que Pleiku a bien change depuis la dernière fois qu’il est venu ici: “it’s hard to find some of the places where we were before” comme il dit, car la ville est plus développée que durant la guerre, des années auparavant, grâce en premier temps, à l’aide de l’Union soviétique.
Il est arrive par avion, une des rare liaisons aeriennes qui restent dans ce qui fut une base de l’US Air Force. Tout ce qui faisait penser a la presence americaine s’est evanoui. Il reste neanmoins dans les etales de vetements militaires des caisses de munitions qu’il reconnut malgre la decoloration due au temps et a l’humidite. Meme les champs de bataille sont meconnaissables, remplaces par la vegetation dont les traces de l’Agent Orange sont visibles. C’est la, dit-il, que le film de Mel Gibson “When We Were Soldiers” a ete tourne.
On prit conge du veterant americain et on rentra a l’hotel pour terminer la journee par discuter avec le guide autour d’un repas. C’est un hotel somme toute classique, sans pretention de luxe, avec climatisation, eau chaude, wifi et cable TV.
Le guide raconte alors que Pleiku fut auparavant un vaste plateau regroupant plusieurs villages de la minorite Jarai. Les Francais les appelerent les Montagnards et transformerent ce hameau de villages en la capitale de Gia Lai. Mais la ville changea de nouveau de visage, pas uniquement a cause du nouveau plan d’urbanisme du nouveau regime, mais parce que la guerre est passee par la.
Le lendemain, on part visiter un square ou se tient debout la statue de Kpa Klong, un Montagnard qui fut tue durant la guerre du Vietnam: il brandit une grenade face a ce qui semble etre un char americain. Dans un cafe pres de la gare routiere de Pleiku, on attend le van qui va nous amener faire le tour de la region a la rencontre des minorites ethniques.
11km separent Pleiku du parc de Dong Xanh et de son Grand Lac, Bien Ho. Les yeux de Pleiku est un superbe lac forme il y a des millions d’annees et dont l’eau sert a alimenter la capitale de la province: toute baignade et navigation sont donc interdite. Pas de costume traditionnel ici, mais des villages sur pilotis, des maisons communales à la toiture impressionnante, des coutumes ancestrales restées hors du temps des minorites ethniques de Jarai et de Bahnar, entourés de paysages de plantations, de montagnes.
La Maison Communale (Nhà Rông) est specifique et unique a cette partie du Vietnam. Situee au centre du village, ce grand bâtiment au toit imposant est embelli de motifs colores, symbolisant des heros, des animaux ou des objets propres au village, de gravures decrivant des scenes religieuses ou des legendes, et de ce qui est le plus emblematique, une representation du dieu du Soleil. Chaque village possede sa Maison Communale, qui se distingue par sa forme archtecturale, son style et sa decoration, avec en commun le fait qu’elle soit sur pilotis et son toit: plus le toit est grand, plus le village sera prospere.
La maison des tombes (Nhà Mồ) sont les lieux de repos selon la tradition locale. Apres l’enterrement, la tombe est recouverte par une hute de feuilles ou de tuiles, pour y mettre des objets appartenant au defunt. Deux ou trois ans apres, les membres de la famille reviennent sur les lieux de la sepulture pour y celebrer le rite du “Lễ bỏ mả”: on remplace la hute par une petite maison en bois au printemps, et on organise un festin ou les ames des defunts sont convies aux festivites. C’est la derniere rencontre avant le voyage vers l’eternite.
On peut trouver au Musee d’ethnologie de Hanoi des repliques de ces deux batiments (Nhà Rông et Nhà Mồ), ainsi que le “Xà Rông” (un vetement que les femmes des Plateaux du Centre portent dans les villages des minorites ethniques de Gia Lai) et le Cồng Chiêng, un gong symbole de prosperite joue uniquement durant les moments sacres tels la veneration des dieux, l’enterrment, le mariage, la nouvelle annee, une nouvelle maison, une nouvelle recolte ou pour la chance et la sante. Gia Lai possede le plus grand nombre de ces gongs et la ceremonie du Cồng Chiêng a ete classee Patrimoine immateriel de l’UNESCO.