
Le battement du riz – le souffle vivant des montagnes du Vietnam
October 31, 2025
Dans les montagnes du Nord du Vietnam, quand la brume se lève doucement sur les rizières en terrasses, on entend un son régulier, profond, presque sacré : bong… bong… bong… — c’est le battement du riz, frappé dans les grands tonneaux de bois. Ce rythme, à la fois dur et mélodieux, résonne entre les vallées comme le cœur battant de la terre. Ici, la récolte n’est pas un simple travail agricole : c’est un rituel, un moment où la nature et l’homme respirent ensemble.
À la fin de la saison des pluies, lorsque les épis de riz se courbent, lourds et dorés, les habitants des villages montagnards sortent dès l’aube. Les femmes portent les paniers tressés, les hommes affûtent leurs faucilles. Les buffles, silencieux, suivent les sentiers étroits menant aux champs en terrasses baignés de lumière. Dans le calme du matin, les faucilles se mettent à chanter. Geste après geste, les tiges tombent, rassemblées en bottes serrées.
Le riz colle aux doigts, la sueur perle sur les fronts, mais personne ne se plaint. Dans chaque regard brille une fierté tranquille : celle d’un peuple qui cultive la vie, grain après grain. À quelques pas de là, au bord des rizières, se dressent les grands tonneaux de bois creusés à la main — lourds, anciens, patinés par le temps. C’est ici que le miracle se poursuit. Les gerbes fraîchement coupées sont soulevées et frappées violemment contre le rebord du tonneau. Les grains s’en détachent, bondissent, retombent avec un son sec et joyeux. À chaque coup, un nuage de paille dorée s’envole dans la lumière, comme une pluie d’or. Le bruit est fort, le geste est rude. Les bras se fatiguent, les épaules brûlent, mais les visages restent souriants. Les femmes rient entre deux coups, les enfants ramassent les grains tombés, et la vallée s’emplit de ce vacarme vivant — celui du travail, de la persévérance, de la gratitude envers la terre nourricière.
À la fin de la journée, le riz est rassemblé dans de grands sacs, encore tiède du soleil. Les mains calleuses le touchent avec tendresse, comme on caresse un trésor. Ce riz-là, battu à la main dans les tonneaux de bois, n’a pas seulement le goût du travail : il a celui du respect, de la dignité et de l’amour du terroir. Quand la nuit descend sur les montagnes, les rizières se taisent, mais l’écho du battement du riz reste suspendu dans l’air — comme un poème invisible. Il raconte l’histoire d’un peuple qui vit au rythme des saisons, d’une humanité qui n’a jamais oublié d’où vient le pain quotidien. Et dans chaque bol de riz fumant que l’on partage à la maison, il y a un peu de cette force, de cette beauté simple : la beauté du geste humble qui relie la main à la terre, le travail à la vie, le cœur à l’éternité









